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L’amour est-il un choix ou seulement une stratégie sociale ? Critique et analyse du film The Materialist

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L’amour est-il un choix ou seulement une stratégie sociale ? Critique et analyse du film The Materialist

Le film The Materialists suit Lucy, une matchmakeuse new-yorkaise aussi brillante que cynique, convaincue que le couple est un échange de ressources avant d’être une affaire de cœur. Dans ce qui est présenté comme une comédie romantique, la réalisatrice et scénariste Celine Song y explore la marchandisation des relations, les illusions de la mobilité sociale et l’inconfort de nos choix sentimentaux contemporains. Le film n’a pas manqué de faire réagir à sa sortie et nombre de mes abonnées m’ont demandé mon avis sur le thème du film. J’ai ENFIN vu le film, hier dans l’avion, attablé devant une délectable barquette « chicken », voilà ce que je peux en dire.

The Masterialist, critique acide de l’amour transactionnel

Dès les premières scènes du film qui présente Adore, une agence de matchmaking sophistiquée, The Materialists dévoile son vrai sujet : l’amour n’y est pas un élan du cœur, mais un système d’échanges. On y parle de partenariat plus que de couple. On y évalue, on compare, on pèse les bénéfices potentiels. L’idée centrale s’impose : une relation est avant tout une circulation de ressources. Tu apportes la stabilité, il apporte le statut. Tu garantis l’allure, il garantit le revenu. Attendez une minute, n’est-ce pas là le rôle initial du mariage ? Ce n’est que très récemment dans l’histoire des peuples que l’on se marie par amour. Bref, dans cet univers parfaitement huilé, une vie à deux peut se révéler harmonieuse sans amour, comme aux siècles derniers. La réussite du couple devient une mécanique sociale, et l’émotion un luxe tout à fait dispensable. Rien n’est dit explicitement, mais tout est suggéré à travers l’univers du matchmaking.

Une fois ce cadré installé, le film nous propose un traditionnel triangle amoureux comme on en voit souvent dans les comédies romantiques. Lucy se retrouve face à deux hommes, symboles vivants de deux voies possibles. D’un côté, Harry (Pedro Pascal) : riche, séduisant, sûr, appartenant à ce monde où tout se mesure en avantages tangibles. L’option rationnelle, le choix stratégique, celui que la société récompense. De l’autre, John (Chris Evans) son EX, artiste loser, évidemment séduisant aussi, totalement dépourvu de capital social.

Choisir entre un homme riche et rassurant et un loser sublime

Là où le film prend un virage déroutant, c’est dans le traitement de ce choix. Comme beaucoup de jeunes femmes moderne, Lucy affirme que se marier avec un homme fortuné est un impératif. C’est son obsession, alors qu’elle semble pourtant subvenir parfaitement à ses besoins. Pourtant, elle finira par rompre avec le riche Harry au moment où le film introduit une séquence dérangeante et difficile à interpréter. Harry, pour atteindre le sacro-saint mètre quatre-vingts sans talonnettes, a subi une opération lourde et douloureuse d’allongement des jambes. Lucy assure que cela n’a aucun lien avec sa décision qu’elle motive par l’absence de sentiments.

Rien n’est vraiment expliqué et le film laisse cette question en suspend. Une lecture possible qui est la mienne c’est de montrer que Lucy, comme ses clientes, n’échappe pas à la cruauté implacable des critères (grand, riche et si possible beau) qui ne sont pas juste là pour flatter l’ego mais qui participent à la stratégie inconsciente de reproduction qui anime tout un chacun. Harry n’est pas un « vrai grand », de fait, sa descendance ne sera pas grande.

La chose incongrue qui m’a sauté aux yeux dans le film est reconnue par Lucy elle-même. Pourquoi Harry la choisirait-elle comme partenaire ? Le film insinue qu’Harry a été subjugué par le talent de vendeuse de Lucy. Qualité indéniable qui lui fait envisager une demande en mariage après seulement quelques dates. Est-ce vraiment crédible de la part d’un homme comme Harry qui est probablement habitué à fréquenter des femmes talentueuses ? Est-ce là ce qu’il valorise et recherche ?

Dans le même temps, Lucy retourne auprès de John. Rien n’a changé pour lui : ni sa situation financière, ni sa perspective d’avenir. Rien n’a été réparé, construit ou gagné. Le scénario ne prend même pas le temps de nous montrer ce qu’il lui apporte sur un plan intime, ni pourquoi elle reviendrait à lui. À cela s’ajoute un arc qui frôle la maladresse narrative : une sous-intrigue liée à une agression sexuelle, introduite puis totalement abandonnée, pendant que Lucie opère un retour silencieux à un état initial.

Que nous dit réellement The Materialist ?

Alors, que raconte réellement ce film ? A rebours de ce que son emballage contemporain laisse croire, pour moi The Materialists ne raconte pas l’idée romantique d’un amour qui transcende les critères et le confort matériel. Il raconte le retour à son milieu d’origine, comme une gravité sociale inévitable. Lucy et Harry habitent deux classes sociales totalement étrangères l’une à l’autre. Lucy et John en revanche sont du même terreau : mêmes origines modestes, mêmes habitudes (ils sont fumeurs tout les deux), mêmes blessures familiales, mêmes références culturelles, mêmes opinions politiques. Ils se ressemblent. Ils ne s’élèvent pas mutuellement ; ils se reconnaissent.

Ne vous laissez pas abuser par la lecture au niveau 0 qui n’est pas que l’amour triomphe du pragmatisme, ni que le cœur gagne contre l’argent. Il laisse plutôt flotter une conclusion troublante : il ne s’agit ni d’aimer, ni de s’élever, mais bien de rester à la place qui est la sienne dans la société. Si Pride & Prejudice est un conte de mobilité sociale par le cœur, Materialists est son inverse contemporain : un récit où l’amour n’élève personne et où la classe sociale finit, silencieusement, par gagner.

Commentaire (1)

  1. Vertigo

    Cela me rappelle un peu le roman de Houellebecq : Extension du domaine de la lutte

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